La sainte Bible

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Traduction par Louis Claude Fillion, édition de 1889, libre de droits.

n°18 / Job 9 :

1Job prit la parole et dit :
2Assurément je sais qu’il en est ainsi, et que l’homme, si on le compare à Dieu, ne sera pas trouvé juste.
3S’il veut disputer avec lui, il ne pourra pas lui répondre sur une chose entre mille.
4Dieu est sage, il est tout-puissant : qui lui a résisté, et est demeuré en paix ?
5Il transporte les montagnes, et ceux qu’il renverse dans sa fureur ne s’en aperçoivent pas.
6Il remue la terre de sa place, et ses colonnes sont ébranlées.
7Il commande au soleil, et le soleil ne se lève point, et il tient les étoiles enfermées comme sous le sceau.
8Il étend seul les cieux, et il marche sur les flots de la mer.
9Il a créé la Grande-Ourse, Orion, les Hyades, et les constellations australes.
10Il fait des merveilles incompréhensibles, et des prodiges sans nombre.
11S’il vient à moi, je ne le verrai pas ; et s’il s’en va, je ne m’en apercevrai pas.
12S’il interroge tout à coup, qui lui répondra ? ou qui pourra lui dire : Pourquoi faites-vous ainsi ?
13Dieu, personne ne peut résister à sa colère ; et ceux mêmes qui portent le monde fléchissent sous lui.
14Qui suis-je donc, moi, pour lui répondre, et pour avoir un entretien avec lui ?
15Quand même j’aurais quelque justice, je ne répondrais pas, mais j’implorerais mon Juge.
16Et lors même qu’il aurait exaucé ma prière, je ne croirais pas qu’il eût daigné écouter ma voix.
17Car il me brisera dans un tourbillon, et il multipliera mes blessures, même sans raison.
18Il ne me laisse pas respirer, et il me remplit d’amertume.
19Si l’on fait appel à la force, il est tout-puissant ; à la justice du jugement, personne n’osera rendre témoignage en ma faveur.
20Si j’entreprends de me justifier, ma propre bouche me condamnera ; si je démontre mon innocence, il me convaincra d’être coupable.
21Quand je serais juste, cela même me serait caché, et ma vie me serait à charge à moi-même.
22Tout ce que j’ai dit se ramène à ceci : Dieu détruit le juste aussi bien que l’impie.
23S’il frappe, qu’il tue tout d’un coup, et qu’il ne se rie pas des peines des innocents.
24La terre est livrée aux mains de l’impie ; Dieu couvre d’un voile la face des juges. Si ce n’est lui, qui est-ce donc ?
25Mes jours ont passé plus vite qu’un courrier ; ils ont fui sans avoir vu le bonheur.
26Ils ont passé comme des vaisseaux qui portent des fruits, comme un aigle qui fond sur sa proie.
27Quand je dis : Je ne parlerai plus ainsi, mon visage se change aussitôt, et la douleur me déchire.
28Je tremblais à chacune de mes œuvres, sachant que vous ne pardonnez pas au coupable.
29Que si, après cela, je passe pour impie, pourquoi aurais-je travaillé en vain ?
30Quand je me laverais dans l’eau de neige, et que la pureté de mes mains éclaterait,
31Vous me plongeriez dans la fange, et mes vêtements m’auraient en horreur.
32Car ce n’est point à un homme semblable à moi que j’aurai à répondre, ni à quelqu’un qui puisse d’égal à égal plaider avec moi.
33Il n’y a personne qui puisse reprendre les deux parties, et mettre sa main sur l’un et l’autre.
34Qu’il retire sa verge de dessus moi, et que sa terreur ne m’épouvante pas.
35Alors je parlerai sans le craindre ; car, dans la crainte où je suis, je ne puis répondre.