La sainte Bible

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Traduction par Louis Claude Fillion, édition de 1889, libre de droits.

n°18 / Job 30 :

1Mais maintenant je sers de jouet à de plus jeunes qui moi, dont je ne daignais pas mettre les pères avec les chiens de mon troupeau ;
2car la force de leurs mains ne m’eût servi de rien, et ils étaient même regardés comme indignes de la vie.
3Desséchés par la faim et la pauvreté, ils rongeaient le désert, défigurés par l’affliction et la misère.
4Ils mangeaient l’herbe et l’écorce des arbres, et se nourrissaient de la racine des genévriers.
5Ils allaient ravir ces aliments dans les vallées, et, quand ils les découvraient, ils y accouraient avec de grands cris.
6Ils habitaient dans les creux des torrents, dans les cavernes de la terre ou sur le gravier.
7Ils trouvaient leur joie dans cet état, et ils regardaient comme des délices d’être sous les buissons.
8Fils d’insensés et d’hommes ignobles, mépris et rebut du pays.
9Je suis devenu le sujet de leurs chansons, je suis l’objet de leurs railleries.
10Ils m’ont en horreur, et ils fuient loin de moi, et ils ne craignent pas de me cracher au visage.
11Car Dieu a ouvert son carquois pour me faire souffrir, et il a mis un frein à ma bouche.
12Quand je me lève, mes maux se dressent aussitôt à ma droite ; ils ont renversé mes pieds, et ils m’ont accablé de leurs menées comme sous des flots.
13Ils ont rompu mes sentiers, ils m’ont dressé des pièges et ont eu sur moi l’avantage, et il n’y a eu personne pour me secourir.
14Ils se sont jetés sur moi, comme par la brèche d’une muraille et par une porte ouverte, et ils sont venus m’accabler dans ma misère.
15J’ai été réduit au néant. Vous avez emporté comme un tourbillon ce qui m’était cher, et mon salut a passé comme un nuage.
16Mon âme est maintenant toute languissante en moi-même, et des jours d’affliction me possèdent.
17Pendant la nuit la douleur transperce mes os, et ceux qui me dévorent ne dorment point.
18Leur multitude consume mon vêtement, et ils me serrent comme le haut d’une tunique.
19Je suis devenu comme de la boue, et je suis semblable à la poussière et à la cendre.
20Je crie vers vous, et vous ne m’écoutez pas ; je me présente à vous, et vous ne me regardez pas.
21Vous êtes devenu cruel envers moi, et vous me combattez d’une main dure.
22Vous m’avez élevé, et, me tenant comme suspendu en l’air, vous m’avez brisé entièrement.
23Je sais que vous me livrerez à la mort, où est marquée la maison de tous les vivants.
24Toutefois vous n’étendez pas votre main pour les consumer entièrement ; car, lorsqu’ils tombent, vous les sauvez.
25Je pleurais autrefois sur ce qui était affligé, et mon âme était compatissante envers le pauvre.
26J’attendais les biens, et les maux me sont venus ; j’espérais la lumière, et les ténèbres se sont précipitées.
27Un feu brûle sans relâche dans mes entrailles ; les jours de l’affliction m’ont prévenu.
28Je marchais triste, sans ardeur ; je me levais et je poussais des cris dans la foule.
29J’ai été le frère des dragons, et le compagnon des autruches.
30Ma peau s’est noircie sur moi, et mes os se sont desséchés par l’ardeur qui me brûle.
31Ma harpe s’est changée en un chant de deuil, et mon hautbois rend des sons lugubres.