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Traduction du rabbinat par Zadoc Kahn, édition de 1899-1906, libre de droits.

n°29 / Job 10 :

1MON âme est dégoûtée de la vie, je veux donner un libre cours à mes plaintes, parler dans l’amertume de mon cœur.
2Je dirai à Dieu : « Ne me traite pas en criminel, fais-moi connaître tes griefs contre moi. »
3Prends-tu plaisir à accabler, à repousser l’œuvre de tes mains, tandis que tu favorises de ta lumière les desseins des méchants ?
4As-tu des yeux de chair ? Vois-tu de la même façon que voient les hommes ?
5Tes jours sont-ils comme les jours des hommes ? Tes années sont-elles comme celles des mortels,
6pour que tu recherches mes fautes et t’enquières de mes péchés ?
7Tu sais pourtant que je ne suis pas coupable, et que nul ne peut se sauver de ta main.
8Ce sont tes mains qui ont pris soin de me former, de me façonner de toutes pièces, et tu me détruirais !
9Souviens-toi que tu m’as pétri comme de l’argile, et tu me ferais rentrer dans la poussière !
10Ne m’as-tu pas rendu liquide comme le lait, puis affermi comme le fromage ?
11Tu m’as revêtu de peau et de chair, tu m’as entrelacé d’os et de nerfs.
12Tu m’as octroyé vie et bonté, et tes soins vigilants ont préservé mon souffle.
13Et voici ce que tu tenais en réserve dans ton cœur ! Je sais bien que telle était ta pensée :
14tu voulais me prendre sur le fait si je prévariquais, et ne me pardonner aucune faute !
15Devenu coupable, malheur à moi ! Innocent même, je n’ose lever la tête, rassasié de honte et témoin de ma misère.
16Si je la redresse, tu me pourchasses comme un lion ; sans relâche, tu fais éclater ta puissance à mes dépens.
17Tu m’opposes constamment de nouveaux témoins, tu redoubles de colère contre moi ; je suis en butte à des armées se relayant tour à tour.
18Pourquoi m’as-tu tiré du sein qui me portait ? J’expirais, et aucun œil ne m’aurait vu.
19Je serais comme si je n’avais jamais été ; au sortir du ventre de ma mère j’étais conduit au tombeau.
20Ah ! Mes jours sont peu de chose ; cesse donc de t’acharner contre moi, pour que je puisse reprendre un peu haleine,
21avant que je m’en aille, sans espoir de retour, dans la terre des ténèbres et des ombres du trépas,
22terre où le crépuscule ressemble à la nuit opaque, où règnent les ombres épaisses et le désordre, et où la lumière même est un amas de ténèbres.