La sainte Bible

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La Bible de Jérusalem, édition de 1973 © Copyright.[+]

n°18 / Job 9 :

1Job prit la parole et dit :
2En vérité, je sais bien qu’il en est ainsi : l’homme pourrait-il se justifier devant Dieu ?
3A celui qui se plaît à discuter avec lui, il ne répond même pas une fois sur mille.
4Parmi les plus sages et les plus robustes qui donc lui tiendrait tête impunément ?
5Il déplace les montagnes à leur insu et les renverse dans sa colère.
6Il ébranle la terre de son site et fait vaciller ses colonnes.
7A sa défense, le soleil ne se lève pas, il met un sceau sur les étoiles.
8Lui seul a déployé les Cieux et foulé le dos de la Mer.
9Il a fait l’Ourse et Orion, les Pléiades et les Chambres du Sud.
10Il est l’auteur d’œuvres grandioses et insondables, de merveilles qu’on ne peut compter.
11S’il passe sur moi, je ne le vois pas et il glisse imperceptible.
12S’il ravit une proie, qui l’en empêchera et qui osera lui dire : « Que fais-tu ? »
13Dieu ne renonce pas à sa colère : sous lui restent prostrés les satellites de Rahab.
14Et moi, je voudrais me défendre, je choisirais mes arguments contre lui ?
15Même si je suis dans mon droit, à quoi bon lui répondre ? C’est mon juge qu’il faudrait supplier.
16Et si, sur mon appel, il daignait comparaître, je ne puis croire qu’il écouterait ma voix,
17lui, qui m’écrase pour un cheveu, qui multiplie sans raison mes blessures
18et ne me laisse même pas reprendre mon souffle, tant il me rassasie d’amertume !
19Recourir à la force ? Il l’emporte en vigueur ! Au tribunal ? Mais qui donc l’assignera ?
20Si je me justifie, sa bouche peut me condamner ; si je m’estime parfait, me déclarer pervers.
21Mais suis-je parfait ? Je ne le sais plus moi-même, et je fais fi de l’existence !
22Car c’est tout un, et j’ose dire : il fait périr de même l’homme intègre et le méchant.
23Quand un fléau mortel s’abat soudain, il se rit de la détresse des innocents.
24Dans un pays livré au pouvoir d’un méchant, il met un voile sur la face des juges. Si ce n’est pas lui, qui donc alors ?
25Mes jours passent, plus rapides qu’un coureur, ils s’enfuient sans voir le bonheur.
26Ils glissent comme des nacelles de jonc, comme un aigle fond sur sa proie.
27Si je décide de refouler ma plainte, de changer de mine pour faire gai visage,
28l’effroi me saisit en face de tous mes maux, car, je le sais, tu ne me tiens pas pour innocent.
29Et si j’ai commis le mal, à quoi bon me fatiguer en vain ?
30Que je me lave avec de la saponaire, que je purifie mes mains à la soude ?
31Tu me plonges alors dans l’ordure, et mes vêtements mêmes me prennent en horreur !
32Car lui n’est pas, comme moi, un homme : impossible de lui répondre, de comparaître ensemble en justice.
33Pas d’arbitre entre nous pour poser la main sur nous deux,
34pour écarter de moi ses rigueurs, chasser l’épouvante de sa terreur !
35Je parlerai pourtant, sans le craindre, car je ne suis pas tel à mes yeux !